Flot visqueux, bouillon rouge et noir perlant sur l'horizon bas
Ombre sangsue qui me suit pour quêter sa bouteille de Coca
Sur la place rouge de terre battue ceinte de tiges et d'herbus
La rue sans fin du village s'est assemblée pour la fête du zébu
En transe, pieds trépignant sur place, les femmes en chapeaux
De paille et fichus de couleurs ânnonent et halètent des mots
Sans queue ni tête, sur l'île Sainte Marie.
Le zébu, patte arrière entravée, pleure de son oeil morne
Les jeunes hommes le narguent en courant devant ses cornes
Tête basse ployée vers le sol, sa bosse tremble sous les coups
Il titube de fatigue et de peur, robe noire grisou sous le joug
L'homme le plus lâche, crâne, gorgé d'alcool jusqu'à la gueule
Et le frappe en s'enfuyant, bouche tordue, haineuse et veule
Sans queue ni tête, sur l'île Sainte Marie.
Le zébu feint une dernière charge, ses forces le quittent
Sa robe de cérémonie s'infuse du noir de la nuit des rites
Il tombe. On plante ses cornes dans la terre, gorge offerte
Un flash. L'oeil perd sa lumière. L'herbe n'est plus verte
La lame. Cou coupé. Raie rouge. Bouillon. Soubressauts. Tu ris.
Tête à part. Pattes arrières qui fendent l'air. Réflexes de vie.
Sans queue ni tête, sur l'île Sainte Marie.
Zébu tu connais maintenant l'âme de l'homme, dis le là haut.
Qu'elle est saôule, lâche, triste et aussi noire que ta peau.
De l'autre côté de la route, une baleine me souffle au coeur
Mélodie de joie, qui m'arrache à ces entrailles qui meurent
Je repousse ton bras quémandeur, dents serrées, sans voix
Homme sangsue je vomis ton coca calice. Zébu roi en croix.
Sans queue ni tête, sur l'île Sainte Marie.
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