Doug se massa les épaules comme il pouvait. Les courbatures lui cisaillaient le dos. Son installation depuis des jours dans ce camion au milieu de troncs géants d'arbres exotiques l'avait brisé. Il avait juste demandé à aller vers la mer. A son visage buté, Guillermo, le chauffeur avait compris qu'il ne faudrait pas lui demander son passeport au passage des frontières. Seulement quelques arrêts la nuit pour laisser souffler le moteur, boire un peu d'eau au goulot d'une gourde marronnasse et avaler un quignon de pain lorsqu'il y en avait.
Parfois Guillermo, au hasard d'une halte, lui avait aussi passé un peu de rhum en cherchant à le questionner. Il avait vite compris en observant la carrure athéltique de Doug, qu'il avait affaire à un militaire. Nul n'ignorait qu'il restait encore quelques troupes de mercenaires, anciens de la légion étrangère en rupture de ban, dans le coin. Guillermo lui confirma qu'ils avaient bien marché. Ils avaient passé Dar Es Salaam et ils rentreraient au Mozambique le lendemain. Kinshasa n'était déjà plus qu'un brulant souvenir.
Doug se rendormit brutalement malgré l'odeur entétante du fioul et les chocs engendrés par les vastes ornières créées dans le bitume par les pluies torrentielles. Dans son rêve les arbres malebos s'agitaient en tous sens au rythme lancinant des tambours des maîtres sorciers. En hurlant ils cherchaient à éviter les dents voraces des tronçonneuses. Par leurs pores s'échappaient le long du tronc, des rigoles de sang. L' odeur entétante de sang mélé à la sève en fusion lui brulait la gorge. Il se réveilla brutalement. Le jour était levé depuis longtemps et on avait encore crevé un pneu. Doug regarda au loin derrière les cocotiers, et vit la mer et une île longiligne qui brillait au soleil. Il demanda à Guillermo où l'on était.
-"Nous sommes à Vilankulo" lui répondit il. "Ce que tu vois c'est l'île de Bazaruto. Mais nous n'allons pas nous attarder, il y a encore beaucoup de route jusqu'à la frontière Sud Africaine."
Les yeux de Doug n'arrivaient pas à se détacher de la dune de sable qui brillait au milieu de l'eau.
- "C'est ici que je m'arrête" dit il. "Merci". Il avait déjà son balluchon sur le dos et il commença à descendre vers la côte sans se retourner. Un pécheur se préparait à partir avec sa barque à voile triangulaire. Doug savait qu'ici on parlait portugais. Pas lui. Il n'avait pas non plus d'argent.
Il fit un sourire et pointa l'île du doigt.
Plus l'île s'approchait plus elle brillait...
Parfois Guillermo, au hasard d'une halte, lui avait aussi passé un peu de rhum en cherchant à le questionner. Il avait vite compris en observant la carrure athéltique de Doug, qu'il avait affaire à un militaire. Nul n'ignorait qu'il restait encore quelques troupes de mercenaires, anciens de la légion étrangère en rupture de ban, dans le coin. Guillermo lui confirma qu'ils avaient bien marché. Ils avaient passé Dar Es Salaam et ils rentreraient au Mozambique le lendemain. Kinshasa n'était déjà plus qu'un brulant souvenir.
Doug se rendormit brutalement malgré l'odeur entétante du fioul et les chocs engendrés par les vastes ornières créées dans le bitume par les pluies torrentielles. Dans son rêve les arbres malebos s'agitaient en tous sens au rythme lancinant des tambours des maîtres sorciers. En hurlant ils cherchaient à éviter les dents voraces des tronçonneuses. Par leurs pores s'échappaient le long du tronc, des rigoles de sang. L' odeur entétante de sang mélé à la sève en fusion lui brulait la gorge. Il se réveilla brutalement. Le jour était levé depuis longtemps et on avait encore crevé un pneu. Doug regarda au loin derrière les cocotiers, et vit la mer et une île longiligne qui brillait au soleil. Il demanda à Guillermo où l'on était.
-"Nous sommes à Vilankulo" lui répondit il. "Ce que tu vois c'est l'île de Bazaruto. Mais nous n'allons pas nous attarder, il y a encore beaucoup de route jusqu'à la frontière Sud Africaine."
Les yeux de Doug n'arrivaient pas à se détacher de la dune de sable qui brillait au milieu de l'eau.
- "C'est ici que je m'arrête" dit il. "Merci". Il avait déjà son balluchon sur le dos et il commença à descendre vers la côte sans se retourner. Un pécheur se préparait à partir avec sa barque à voile triangulaire. Doug savait qu'ici on parlait portugais. Pas lui. Il n'avait pas non plus d'argent.
Il fit un sourire et pointa l'île du doigt.
Plus l'île s'approchait plus elle brillait...
* * *
La dune brillait de mille feux. Doug s'y engagea lentement. Sur ce flanc la dune montait en une pente douce et régulière. Doug marchait comme on lui avait appris à l'école des commandos, le corps bien en avant pour ne pas s'enfoncer. Le vent malicieux avait créé un gigantesque damier, alternant des parcelles de sable foncé et d'autres luminescentes dans une géométrie quasi parfaite. Doug s'arréta sur la crète et observa longuement. A ses pieds la mer s'était retirée dégageant des bancs de sable torsadés en forme de grands serpents blancs. Doug regarda le bleu du ciel, le vert de la mer, et le blanc du sable qui se mélangaient si intimement. Une harmonie parfaite régnait en ces lieux, bercée par le tourbillon des vagues sur le corail. Puis il tourna la tête vers l'autre coté. La dune avait au gré du vent envahi l'oasis de cocotiers à ses pieds. On distinguait encore le faîte de quelques arbres à moitié étouffés. Sous ses yeux la dune descendait sur cette face, en une pente quasi verticale sur trois cents mètres.
Doug regarda la mer intensément. Puis il saisit fermement son sac entre ses bras et il se jeta dans la pente. Le sol se dérobait sous lui le happant de plus en plus vite. Sa bouche se remplissait de sable brulant. L'avalanche minérale pénétrait dans tous ses pores, l'empéchant de respirer. Doug cherchait le bleu du ciel, il ne vit bientôt plus qu'un halo de jaune et de noir, et du rouge qui lui remplissait les yeux. La dune s'était refermée silencieusement sur lui ne laissant subsister qu'un léger monticule. Quelques minutes plus tard le vent avait repris son travail faisant courir le long de la dune des morceaux de broussaille montant à l'assaut de la pente comme des araignées voltigeuses.
'
- "Monsieur, monsieur ... ça va ?" Doug finit par comprendre qu'on lui parlait. Un jeune homme le dégageait peu à peu. Doug recommença à respirer. Il avait perdu son sac. A force de paroles avec les mains, il parvint à comprendre le jeune homme. Celui ci avec un grand sourire qui dévoilait le blanc de ses dents lui fit comprendre qu'il s'appellait Yago.
'
Yago montra à Doug comment chasser les crabes et les poissons avec un baton armé d'une petite pointe métallique. Ils les mangeait le soir autour d'un feu de bois agrémentés de quelques noix de coco. Doug comprit que l'île n'était habitée que par deux luxueux hotels de quelques chambres beaucoup plus au nord. Il n'y avait dans cette partie que quelques pécheurs qui passaient parfois avec leurs dhows. Yago lui montra aussi comment trouver de l'eau en évitant le lac infesté de crocodiles. Il lui laissa partager sa hutte.
'
La nuit Doug revoyait sans cesse le village là bas où ils avaient tiré sans sommations. Les flaques de sang surtout. Et puis cet enfant qui ressemblait à Yago et qui semblait sourire à la mort. Et les mouches collées sur les corps.
'
Pendant plusieurs jours Doug observa le manège des dugongs et des dauphins. En plongeant sur l'autre côte, du coté de l'océan, il avait aussi remarqué des tortues géantes, aussi grandes qu'un homme, qui revenaient chaque jour sur la plage à heure fixe se dorer au soleil. La plus grosse avait une tête débonnaire et le regardait sans inquiétude. Doug la surnomma Bonnemère. Plusieurs fois il revint lui porter des feuilles de cocotier qu'elle dévora goulument. Chaque jour Doug ressentait d'horribles douleurs dans le ventre. Un acide le brulait. Il avait essayé plusieurs fois d'expliquer à Yago qu'il était malade, mais celui ci n'avait pas compris.
'
Yago était parti sans dire où il allait et cette nuit là fut fut plus terrible que les autres. Le ventre de Doug le brulait atrocement. Des cauchemars heurtaient sa tête sans répit. La sueur lui collait aux tempes. L'eau n'assouvissait plus sa soif. Sa peau brulait. Il délirait. Il se dirigea vers la plage. Bonnemère était déjà là malgré l'heure matinale avec ses congénères.
'
-"Bonjour Bonnemère" lui dit il.
-"Je dois partir aujourd'hui" ajouta t il.
- " D'accord, monte sur mon dos" lui répondit Bonnemère.
Doug monta et elle s'éloigna vers le large en prenant soin de bien rester à la surface.
Au loin la mer et le ciel respiraient un bleu éclatant. Le soleil se mit à sourire.
14 comments:
La suite please...
tout cela est si bien raconté
merci pour ce partage
Toujours cette écriture qui nous emporte avec tes personnages
Y aura-t-il une suite? Après tout elle n'est pas nécessaire...l'imagination prend maintenant le relais sur un texte très bien écrit!
Merci
Je peux lui apprendre quelques mots. "Bom fim de semana" par exemple!..
Impressionnant comme les mots coulent ! comme l'ambiance nous pénètre d'un coup ...le climax est intense et la lecture un doux plaisir ! une suite serait plus qu'envisageable !!
bonjour grand voyageur
un repas "grands voyageurs "
25 octobre a Paris
si tu es intéressé
esperance25@voila.fr
je suis admirative devant tes écrits bises
C'est la première fois que je lis un texte long de toi. J'étais déjà venue, il y a longtemps, au tout début de l'overblog.
Il y a des ruptures étonnantes dans ce récit. Le choix de la fin me laisse perplexe.
J'aime beaucoup certaines tournures.
C'est gentil d'être venu encourager Jeanne. Figure-toi qu'elle est bloquée sur ce seuil presque (j'ai bien dit presque !) impossible à franchir.
De tortue façon, merci !
Hum.. Bonnemère pour une tortue... quelle imagination :)
Je dois avouer que tu es très fort en descriptions, exercice assez difficile en littérature...
et tout ce bleu l'avala de bonheur.
parce que c'est ça aussi le bonheur, lire cet homme, en apprendre juste assez pour imaginer le reste... de la littérature, belle et nécessaire.
Juste une relecture pour attendre la suite...
Bien à toi
Je découvre ton blog suite à ton passage chez moi...Et quel plaisir!
je n'ai pas encore lu tes archives mais je sens que je vais bien me fondre avec le plaisir de te lire!
Merci
Bien à toi
c est une vrai évasion après ce texte merveilleux
merci encore et à bientôt
Et parce qu'il est bon de recevoir quelques bonnes mises en demeure, extrait d'un commentaire, suite à l'envoi de ce texte à un site de textes en ligne que j'avais trouvé intéressant :
"votre texte aurait besoin d'être retravaillé (on a du mal à saisir le cheminement de votre personnage, de plus la fin est invraisemblable et ne s'apparente pas du tout au réalisme fantastique). Prenez le temps de mûrir votre écriture et n'hésitez pas à nous proposer d'autres textes"
Oui. oui
Post a Comment