Wednesday, February 23, 2011

L'édito de Montparno

Le bar est pris d'assaut mais il y reste un tabouret au comptoir. Coincé, dans la chaleur complice, entre une jeune femme pendue au téléphone, et deux couples.

- Garçon un côte de blaye s'il vous plait.
- Vous avez trouvé une place ? Bien joué. Cela arrive de suite !

Joker. En fait, j'ai fait un croc en jambes à un vieux monsieur, il faut bien l'avouer.

La conversation d'un des couples est fort animée. Lui, un peu plus de la soixantaine, a l'air sage et apaisé d'un professeur d'académie avec sa calvitie et de grosses lunettes, et une pointe d'humour au coin de l'oeil. Elle, la trentaine, cheveux mi courts a un décolleté très plongeant qui souligne une gorge très blanche et plantureuse. Je pique du nez dans mon chili con carne.

- Bon tu voudrais qu'il sorte quand ton bouquin ? 2013 ca te va ?
- Oui, oui. C'est bien.
- On part comme d'habitude sur 200 000 ?
- Oui enfin, disons plutôt autour de 150 000 exemplaires je pense. Cela sera une toute petite histoire.
- Bon pour ce livre je vois un objet un peu magique, une couverture bijou, en métal argenté peut être. En tout cas, un truc qui fait rêver. Tu as des désidératas pour les dimensions ou la pagination ?
- Non,non. Comme d'habitude.
- Ok ! Bon parle moi un peu du pitch. Ce livre je veux que cela soit un roman piloté. Quelque chose que l'on a l'habitude de voir chez toi mais avec des surprises quand même et qui va avec certitude vers son but. Un roman piloté quoi ! Dans son jus...mais un roman piloté quand même. Alors c'est quoi le pitch ?
- Pour l'instant j'ai peu d'éléments tu sais. J'ai juste fait un petit topo à Pierre Bonte il y a trois jours. Très préliminaire.
- Pierre Bonte ? Il commence à se faire vieux celui là, mais je l'admire aussi. Quand tu penses que son premier livre est sorti dans les années soixante et il vend toujours aussi bien... Alors vas y, dis moi. Tu sais je suis là et je suis comme lorsque on est avec un homme que l'on dévore des yeux et avec lequel on sait qu'on va faire l'amour plus tard. J'ai faim de cette histoire! Il faut que cela reste une histoire entre nous deux et que tu n'en parles à personne d'autre.
- A vrai dire je ne tiens pas encore l'histoire pour l'instant. C'est un groupe d'amis, d'hommes en fait, qui se réunissent tous les ans au même endroit. Cela part de là. Le reste va venir.
- Tu sais moi cela me va, ça m'excite même terriblement, mais cela m'étonnerait que cela suffise à G et O quand je vais leur en parler.
- C'est tout ce que j'ai pour l'instant. Mais tu sais cela va venir dès que je vais m'y mettre.
- Je vois une belle couverture argent métal. Dis, en passant tu pourrais me dédicacer tes trois romans ? je les ai là.
- Pas de problème passe les moi.
- On se reprend une coupe ?
- Avec plaisir. A ce propos au dernier salon de Lille on m'a donné une bouteille de Sauternes extraordinaire !
- C'est dingue tu sais que tu as de intonations à la Petitrenaud quand tu dis ça ! Il faut que je t'emmène dans un petit restaurant à côté. Sublime. A deux pas d'ici. Et pas de discours spécialisé là bas. J'ai horreur de cela ! C'est dans son jus tu m'en donneras des nouvelles. Au fait tu vas au salon de Lyon cette année ?

Mon autre voisine me fait du genou sous la table tout en continuant de téléphoner. Je ne crois pas qu'elle m'ait regardé une seule fois.

- Garçon vous me donnerez le petit frère s'il vous plait !
- Un côte ? Monsieur aime les belles choses ! Tout de suite !

4 comments:

Ouam-Chotte said...

Beurk !
Enfin pas pour le côte de Blaye, bien sûr.

esperance said...

drôle de soirée
contente de te lire de nouveau
rentre juste d'un long périple en asie et prête pour un nouveau départ
bises

Cécile Thérèse Delalandre said...

ça sent le vécu! *_*
bises

Sophie K. said...

Joliment épinglé, le matou germanopratin... Mais je devine que l'oiselle, plus maline, a su passer entre les griffes, au vu de ses réponses.
:0)