Saturday, November 22, 2008

Isolement

Murs blancs. Des barreaux à la lucarne. Mais pourquoi ces barreaux au dessus de ma tête ?

J'émerge doucement d'un cauchemar de portes qui s'ouvrent et se ferment. A chaque nouvelle porte un archer me décoche une flèche dans le ventre. Une chouette ébouriffée aux yeux démesurés compte les points. Une horloge de la forêt noire, en forme de chalet, bat un tempo sourd. Tic tac. Tic tac. Je donnerai tout pour qu'elle s'arrête. J'essaie de tendre le bras pour arréter le balancier. Je n'en ai pas la force. Mes bras sont comme inertes et sans vie.

Des plumes de la chouette sont tombées dans ma gorge. Elles m'étouffent. Ma langue est lourde et pateuse. Ca sent l'urine aussi. La chouette tourne sa tête en cercles concentriques de plus en plus serrés. Le néon blanc flotte dans l'air. Sur le circuit miniature de mes dix ans la voiture rouge tourne de plus en plus vite. Tic tac. tic tac. Le balancier frole ma tête sans relache.

- Il est là depuis hier. Une crise de schyzophrénie. C'est la police qui l'a amené. On va l'admettre en UMD.

Elle est blonde, comme un sucre d'orge. Le blanc de sa blouse m'éblouit. Je voudrais bien lui caresser la jambe, mais les sangles m'en empèchent. Je ne sais pas par où elle est entrée. Il n'y a pas de porte dans la chambre. Il n'y a plus de porte.

Je me souviens qu'on a vendu mon circuit miniature. C'était avant la maison. La maison sans porte de mes dix ans.

- On va vous faire une piqure monsieur. Ne vous inquiétez pas, cela ne sera pas douloureux.

Elle a un petit collier qui bat au creux de sa gorge. Qui fait tic tac de plus en plus doucement en se penchant sur moi. Ne plus entendre ce tic tac. Ne plus l'entendre. Mes larmes me glissent dans la bouche. Elles ont un gout salé. Un gout d'océan. S'endormir dans la mer. Ne plus entendre.


23 comments:

Anonymous said...

Sujet âpre qui laisse la gorge rouge.

Est-ce un cri ?

Bonne journée.

Anonymous said...

Merci pour ton petit commentaire sur mon blog, qui me permet de découvrir le tien...

Bonne soirée!

Anonymous said...

pas le temps de relire, mais on est emporté par les mots... Sauf que je ne sais pas où je vais, mais ce n'est pas grave.

Anonymous said...

Un seul mot : J'adore !

Anonymous said...

La fin, ce goût salé a une curieuse résonance avec la fin de Martin Eden que je viens de lire... Je ne sais pas pourquoi, j epense à ça en fait. Peut-être pour écrire quelque chose alors que ce texte me laisse sans voix...

Anonymous said...

Quel texte ! On entre tout de suite dans le vif du sujet !

Anonymous said...

Vachement bien! J'aime bien cette idée d'un texte qui nous fait voyager. Belle écriture ....

Anonymous said...

j adore ta façon d 'écrire tout ton post est à lui seul un voyage
un peu triste

bises et bon week end

Jerry OX said...

oh ! un climat terrible ! on se croirait dans le film "Midnight express" et puis il y a la présence de cette femme qui vient tout chambouler ...un récit que je vais relire pour mieux m'en impregner !
à bientot !!

Anonymous said...

... chut, ne t'en fais pas... je viens peindre une porte, une fenêtre sans barreaux... et je mettrai un couvre-lit en couleur et de grands soleils sur les murs...

Juste pour que tu sois moins seul.

(paroles de l'infirmière, juste avant la piqûre)






.... Je ne dis rien sur le texte, il est magnifique. Merci

Anonymous said...

Des corps circulent, errent, s’arrangent, dessinent une spirale autour de ton lit. Mouvement circulaire. Tous sont assidus rien que pour toi. Mobiles au-dessus de ta couche, parfois ils s’agitent et tournent en rond. Percevoir leur danse, une attention qui peut-être te rassure ? Nous veillons continuellement, sommes inquiets parfois, te contemplons souvent. Tu vis dans le blanc d’un coton, mais pas celui d’un berceau.

Anonymous said...

Très beau texte, très dur à commenter, comme les autres d'ailleurs:) On sent qu'un acte irréparable a été commis mais que même le personnage ne s'en souvient pas, perdu dans sa douleur et rêvant d'en sortir

Anonymous said...

Juste un merci... prends soin de toi.

Anonymous said...

Je suis bouleversée par ce texte...C'est une lecture simple avec des images profondes qu'on voit bien à chaque moment de son recueil...
Bien joué!
Agréable journée merci pour ton passage.

Mélusine said...

D'abord, j'ai cru qu'on était revenu chez Harry Potter : la chouette, les flèches... et puis, le blanc du silence, le néon, le froid des mots...
Un sujet qui se lit d'une traite...et dont on a envie de découvrir la suite !

Sinon, tout va bien ?
bisous

Anonymous said...

Texte hypnotique. Tic tac tic tac...

Anonymous said...

Texte très touchant et émouvant...beau et triste à la fois! Bravo

Andrea Martínez Maugard said...

Hello! I wish I could understand something but can only read in spanish and english :(

Anonymous said...

J'adore "l'ambiance" (à défaut d'autre mot) de ton texte, cette impression très réelle, mais très belle que laissent tes mots, c'est sûr: je reviendrais! ,)

Anonymous said...

Superbe écriture.^^

Anonymous said...

Pourquoi la douleur fait autant de bien à ceux qui ne la souffre pas.

Anonymous said...

c'est vraiment TRES beau par ici .... joli voyage en poésie.
Merci

enriqueta said...

Un sujet difficile. Certaines maladies sont des prisons.